Nous relayons ici le texte d’une GJ des Bouches-du-Rhône qui nous a été présenté comme la « position d’une copine énervée du tout début du mouvement des GJ ».
Réveille-toi ou ferme ta gueule le 10 au soir
À toutes celles et tous ceux, de gauche, qui n’aiment pas mais alors vraiment pas Jean-Luc Mélenchon au point de lui préférer Marine Le Pen le 10 avril.
À moins d’une semaine du premier tour, j’ai le sang qui bout au souvenir de tout ce que j’ai entendu sur le vote Mélenchon au premier tour. Pêle-mêle :
- Psychologique: Mélenchon a un problème psychique (« psychique » c’est chic ! Plus alarmant que « psychologique »). Et de nouveau, LA phrase « La République, c’est moi » tourne en boucle. Plusieurs pathologies sont évoquées. Mégalomanie, mythomanie. Des traits psychotiques avancent même les plus audacieux, les pathologistes chevronnés.
- Diplomatique: Mélenchon agent des russes. Le terme a été employé en vrai par Anne Hidalgo. Non ? Si. La question de savoir ce que Mélenchon ferait en politique étrangère s’il accédait au pouvoir obsède bon nombre d’éditorialistes. La France non-alignée ? Sortie de l’OTAN ? Criminel ! Suicidaire ! Méconnaître à ce point le « désir » d’Europe qui tenaille d’est en ouest et du nord au sud relève de l’irresponsabilité la plus dangereuse. Oublions le passé. Table rase. L’histoire commence en 2022.
- Institutionnel: Mélenchon est l’incarnation du « système » présidentiel , lui qui a crapoté au PS, qui a siégé au palais du Luxembourg. France « Insoumise », mon cul ! La sixième République, billevesées ! France roulée dans la farine qui assistera impuissante aux alliances sur le terrain pour remporter les législatives. Électeur, soulève-toi, ne sois pas dupe! Abstiens-toi ou chiche même, vote pour l’extrême-droite qui fera-exploser-le-système-une-bonne-fois-pour-toutes.
- Mélenchon est populiste et flatte l’électeur dans le sens du poil. Il lui fait croire, à l’électeur, qu’il pourra travailler moins, être mieux soigné et partir cueillir des primevères à 60 ans. On connaît la chanson, une fois au pouvoir…
On peut continuer à énumérer tous les arguments évoqués pour dissuader la femme ou l’homme de gauche de voter pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Trop clivant, trop imprévisible, trop pro-russe, trop opportuniste, trop démagogue. Son programme L’Avenir en commun est peu lu mais beaucoup commenté. La seule chose que ses détracteurs lui concèdent, un vrai talent de tribun. À charge évidemment. Mussolini aussi était un tribun.
Je n’en peux plus. À quelques jours de voir se rejouer 2017, version éventée car depuis 5 ans la date de péremption est dépassée, je suis effarée par mon camp, « les gens de gauche », ceux qui parmi eux trouvent judicieux de voter Roussel, Jadot ou Hidalgo voire Arthaud ou Poutou. Comme Mélenchon n’a aucune chance de remporter l’élection face à Macron, c’est bien la preuve que l’on peut se faire plaisir au 1er tour et d’ailleurs Mélenchon lui-même, ce cynique, ne conspuait-il pas le « vote utile » en 2017 ? De nombreuses citations en attestent. Et la citation en France, on aime !
On en arrive donc à une aberration, préférer un second tour Le Pen/Macron plutôt qu’un Mélenchon/Macron. Que de bonnes raisons. Celles évoquées ci-dessus et d’autres encore. Mélenchon soupçonné d’ambiguïté par les antiracistes, ennemi de l’auto-organisation des luttes, à la traîne sur les questions sociétales etc.
Ça suffit bordel !
Il n’est plus question de polémiques à la con sur le vote utile ou efficace mais d’agir tant qu’il en est encore temps.
Lire le programme de la FI est encore possible. Il tient la route ce qui ne signifie pas que l’on est d’accord sur tout. Surtout la seule façon en juin de ne pas se retrouver avec une assemblée nationale LREM (ce qui signifie retraite à 65 ans, concessions faites aux agriculteurs pollueurs, au nucléaire, casse de la fonction publique, SNU généralisé, devoir de réserve pour tous et multiplication du nombre de flics sur le terrain du « bleu dans nos vies », sic) est d’inverser le rapport de force, de casser la dynamique mortifère à l’œuvre, promue par une gauche puante qui, des écolos aux communistes en passant par les restes du PS, s’apprête à rejouer 2017 sans fausse honte.
Le soir du 10 si le pire advient, je refuse d’avance d’être gentille avec ceux, y compris les copains, qui m’auront expliqué que mon engagement pour Mélenchon relève de l’aveuglement.
Je ne suis pas une groupie. Le contraire même.
Juste voter Hidalgo Roussel Jadot Poutou Arthaud c’est objectivement voter pour un second tour Le Pen / Macron, avec une bonne conscience en acier inoxydable, car, voyez-vous, Mesdames, Messieurs, c’est cela la démocratie, voter pour le candidat selon son cœur qu’elles qu’en soient les conséquences.
Après ton cœur s’arrête de battre pendant cinq ans et personne ne te réanimera car entre-temps, l’hôpital public aura disparu.
Merci d’avance, vraiment.
Pas la peine de me téléphoner le 10 au soir pour commenter avec moi les résultats.
